Un presque nouvel iPhone. Un ex-prochain livre. Et savoir dire non

Il y a quelques jours de ça, j’ai réinitialisé mon iPhone, qui ramait, qui plantait, qui… ne fonctionnait plus comme un iPhone.

J’ai hésité à le restaurer depuis la dernière sauvegarde mais, ne sachant pas pourquoi il plantait, j’ai décidé de réinstaller une à une les apps dont j’ai besoin. C’était une idée complètement casse-gueule dans la situation où j’étais : j’avais beaucoup d’applications à réinstaller, vu que j’écrivais un ebook sur l’iphonéographie. Et que j’étais à la bourre sur une deadline qui avait déjà été décalée plusieurs fois.

Me retrouver sans apps de prise de vue/de retouche/de partage — juste avec ce qui est livré par défaut, plus une poignée d’apps encore — a été un sevrage sans douceur, j’imagine comme de tomber d’un TGV en marche.

Peut-être pour la première fois depuis que j’ai commencé sa rédaction, j’ai cessé de courir et j’ai regardé mon livre, comme j’ai regardé les apps qui encombraient l’écran de mon iPhone. C’était devenu une vitrine ou un catalogue : Regardez, tout ce que je teste ! Voyez, tout ce que je sais ! — C’est cela, oui.

Quelques jours ont passé. L’écran de l’iPhone est toujours presque vide — avec juste un poignée d’app, sur les plus de 300 que j’ai testées — et j’ai retrouvé le plaisir et l’excitation qui m’avaient donnés envie d’écrire ce bouquin, pour commencer. L’envie de vous présenter des apps vraiment sympa, le plaisir de me frotter à l’imagination et à l’inventivité de certains devs, l’envie et le plaisir de faire ensemble des trucs sympas. Sans nous prendre la tête.

Puis je regarde ce tas de mots, de captures d’écran et de photos, ces chapitres, ces sections, ces remarques, ces commentaires — cette brique indigeste qu’est devenu mon bouquin — je le regarde comme une poule regarderait un oeuf carré. Et je me dis que ce n’est pas ce que je suis censé pondre, et que c’est pas surprenant si, là, j’ai mal au cul.

Moi, je n’écris pas des briques indigestes. J’écris des trucs courts, simples, utiles et sympas. Enfin, j’essaye. Et ce n’est pas ce que j’ai fait. Pour tout vous dire, je me suis même demandé si c’est vraiment moi qui avait écrit ce truc.

Au fond, je devrais remercier l’iPhone. En plantant, en m’emmerdant, en refusant de fonctionner il m’envoyait un message :
David, tu te plantes.
David, tu déconnes.
David, tu devrais te réinitialiser.

Merci, l’iPhone.

Je ne vais pas publier cet ebook. Il n’y a aucune bonne raison de vous imposer ce que je considère être une expérience ratée.

Je ne vais pas le publier, mais je ne vais pas jeter ce travail car, très sincèrement, je pense que beaucoup s’y trouve déjà… enseveli sous une montagne de mo(r)ts. Je vais retrousser les manches et tailler dans ce texte, à coups de ciseaux ou à la dynamite, pour y retrouver le livre que je voulais écrire — celui que j’aimerai lire — quand j’ai commencé. Et peut-être que, finalement, ça ne sera pas un livre du tout.

Une autre chose compte à mes yeux, ça ne changera pas grand-chose pour le lecteur ou alors ça changera tout : ce travail “en vain” aura été un vrai gros apprentissage personnel. Après dix années à faire du papier (édition et presse), Je me suis cassé les dents sur mon premier vrai projet numérique, en beauté : je me suis surpris à essayer d’appliquer les recettes et les formules que j’avais acquises et développées toutes ces années. Flop (voir la remarque sur l’oeuf carré, plus haut).

Je ne vais pas faire la liste de tout ce qui a merdé, de tout ce qui m’a posé problème. Certaines choses sont complexes (comment éviter la tentation du tout multimédia, que je trouve complètement stupide et contre productif, quel format et quelle mise en page utiliser, quelle structure donner à un manuel numérique, etc.), d’autres sont carrément crétines… Par exemple, me retrouver à courir après les mises à jour des apps : Sisyphe 2.0 qui passerait sa vie à réécrire pour la 4e ou la 5e fois le test de telle ou telle app, qui venait à nouveau d’être mise à jour et corrigeait les bugs ou les manques que j’avais relevés, ou dont l’interface était repensée de fond en comble. Ça n’a l’air de rien, “écrire un test d’application”, mais quand on essaye d’écrire autre chose que des copier-coller de communiqués de presse, c’est un sacré boulot, qui prend beaucoup de temps et d’énergie (et pas mal d’emails, à échanger avec les devs). Devoir réécrire mes tests avait un impact non-négligeable sur mon enthousiasme même pour les apps les plus sympas. Ça se sentait et c’en était arrivé au point où j’évitais de regarder l’application App Store, tellement je redoutais son compteur de mises à jour. Tsss.

Mon ebook, il y a quelques jours, dans sa version 1.0 :

Plein

Je ne sais pas encore exactement quelle forme il va prendre, mais je vous donne rendez-vous bientôt pour la nouvelle version 2.0, totalement mise à jour et avec son lot de correction de bugs et son interface repensée — pourquoi s’obstiner à penser le livre comme ce truc que l’on range dans sa bibliothèque et que l’on se transmet de génération en génération, comme une bulle de savoir imperméable et qui durerait pour toujours ?