Je te tiens, tu me tiens par la barbichette

On ne rigole pas de ça ! Surtout quand c’est un rire gras et malhabile à l’encontre de [*].

Ce qui me navre dans la polémique « La barbe du prophète versus les petits dessins danois » c’est deux choses:

D’abord, paradoxalement c’est la docilité de toutes les personnes qui répondent à l’appel de… qui ? Et pourquoi si longtemps après la parution des dessins dans le « Jyllands-Posten » ? Une telle réaction, cette haine prête à jaillir, à propos d’un truc aussi insignifiant qu’une caricature !? Que l’islam soit victime de racisme — d’ostracisme — par chez nous c’est une évidence. C’est quelque chose qu’il faut combattre, mais ce n’est pas un caricaturiste en moins qui va changer ça. Et ce nest certainement pas en devenant soi-même une caricature que ça changera.

Ensuite, surtout, c’est la ressemblance de cette histoire avec une autre à peine plus ancienne : un appel au boycott à l’encontre du pinard et du frometon français qu’avaient lancé d’autres personnes, aux Etats-Unis d’Amérique cette fois. Les grandes phrases contre ces cowards de français, pro-islamistes et je ne sais plus quelles autres stupidités contre la France qui avait osé refuser de donner sa bénédiction à la sale guerre de M. Bush Jr. contre l’Irak.

Alors, ce matin, quand j’entends qu’on interdit les produits danois dans telle ou telle boutique d’un pays musulman, je me demande qui est le plus intelligent des deux ? Celui qui maudit le salami danois ou celui qui rebaptise les « french-fries » en « liberty-fries » ?

L’appel au boycott est un outil puissant. Une façon de monopiliser les média. Pourquoi faire ? A quoi sert ce bruit du moment ?

* * *

Dans les deux exemples dont j’ai parlé, les french-fries et le salami danois, on assiste au même drame : la perte de toute nuance. L’autre est l’ennemi, le mal incarné. Les danois, comme les français, sont le mal d’un moment, l’Adversaire à abattre. Ce n’est pas telle personne en particulier mais tout un peuple, un pays tout entier qui est voué à la vindicte populaire. Cette haine — dont on ne comprend rien, qui est incompréhensible car elle est dépourvue de raison et de sens — est un bloc qui écrase tout.

Evidemment, personne n’a de leçon à donner à personne (en France on a un ministre de l’intérieur qui veut passer les banlieues au karcher, on est une république laïque qui invite ses représentants à pleurer la mort d’un pape mais qui interdit de porter un foulard ou une croix ou une étoile à l’école) mais une chose est sûre : condamner un pays entier sous prétexte qu’il abrite, peut-être, une poignée d’abrutis n’est pas la meilleure façon de montrer qu’on est soi-même autre chose qu’un abruti.

Et dans ce cas, qui pourra dire quand s’arrête la colère légitime, les représailles justifiées contre l’agresseur, et où commence l’intolérance, le terrorisme à l’encontre des idées et des personnes ?

[*] : pas d’image, même pas un nom. Mais je pense à tout ce dont on a pas le droit de rire. Une religion, un crime, une passion.

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