Jardin secret

Thierry, un ami d’enfance et mon meilleur ami — celui à qui l’on peut dire des choses dures, celui qui peut nous les dire; avec qui l’on peut partager le silence —, est venu passer quelques jours à Paris. Malheureusement cette fois je n’avais vraiment pas beaucoup de temps libre et lui avait pas mal de choses à faire de son côté. Nous y étions donc plus en même temps que nous y étions ensemble.

Bref, dans le temps dont on disposé en commun, j’ai voulu lui montrer mon jardin secret. C’est un vrai jardin, et un secret plutôt très connu d’ailleurs : le jardin du Luxembourg. Pour moi c’est un endroit magique. Pourquoi je ne l’y avais jamais emmené avant ? Mystère. Nous y sommes donc allé pour une longue balade.

La promenade était sympa, mais rien ne s’est passé, pas de magie. Enfin, je ne sais pas, ça n’a pas marché pour moi. Le jardin m’a semblé vide, je veux dire rien d’autre qu’un espace pas rempli par la ville et ses nuisances : des arbres, des chemins, des chaises, un bassin et quelques vieilles pierres sans vraiment d’intérêt. Il y avait aussi le vent et nous deux, Thierry et moi, qui marchions. Ca c’était bon.

Peut-être faut-il y aller seul ? Ou alors je suis incapable de partager une émotion qui n’existe que dans ma tête ? Je ne sais pas. Peut-être faut-il y venir autrement, plus doucement ? Quand j’y vais seul, c’est sans raison. Sans but, j’y vais pour y être. Cette fois j’y suis allé décidé à lui montrer… quoi ? La fontaine de jouvance, un arbre rouge à pois bleu ou la plus belle femme du monde ? Si si regarde, elle est là si belle, tout près du grand bassin, ou alors la voilà, cachée au détour de ce bosquet, bois-en une gorgée pour gagner la jeunesse éternelle et, pour ne pas mentir, ses feuilles t’as vu ses gros pois bleu, dis ?! Dire, montrer, maladresses qui font fuir les fées, les démons, et même les arbres rouges à pois bleu il paraît.

La magie du Luxembourg, elle est peut-être dans l’insignifiant; le chemin de terre qui réagit à chaque pas que l’on fait, les arbres qui jouent avec le vent comme un pied-de-nez obstiné à Paris et à ses murs. Le bruit du vent, justement, si doux et tenant tête au vacarme de la ville ? J’aime bien ça. C’est apaisant. Ou est-ce dans le désordre du lieu ? Je ne sais pas.

S’il y a de la magie, en tous cas elle est quelque part à l’opposé de l’empressement. Tant celui du passant qui se hâte vers quelque part et coupe par le jardin sans rien voir autour, que celui du touriste pressé de ramener un souvenir &mdash la photo du bassin ou du Sénat avec un sourire au premier plan, ou la photo d’un pigeon sur la tête d’une statue. Tous les deux ont en commun, le touriste et le passant, la crainte de perdre un instant.

Le temps, ce serait ça la magie du Luxemboug ? Tout y est plus âgé, plus long. Plus lent. Ce n’est pas un lieu que l’on découvre : on y revient, on le connaît, on se reconnaît. il nous attendait. On est en 1926 ou en 2006, ça n’a pas d’importance, c’est le jardin du luxembourg. Le temps ne passe pas ou autrement, comme pour un arbre : ne pas vieillir ou faire que vieillir devienne grandir ?

Thierry au jardin du Luxembourg

Qu’en penses-tu ?

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