Une question socio-économico-philosophico-branlo-applesque

Je suis plongé dans l’écriture d’une histoire de SF qui se passe dans un futur pas trop lointain, dans un monde presque entièrement converti au numérique au point que le meurtre y est devenu obsolète, ou purement ludique, vu que chacun dispose de backups de soi-même facile et économiques à cloner—rien de révolutionnaire pour de la SF, mais c’est le décor de mon histoire. En réfléchissant au monde dans lequel mon héroïne (ouais, c’est une jeune fille) évolue, je me suis posé une question très bête mais que je n’arrive pas à trancher, et qui déborde ma petite histoire, du coup je vous invite à vous prendre le chou à y réfléchir avec moi.

Le succès de Apple aurait-il été possible sans l’ouverture de la Chine à l’économie de marché (c’est-à-dire, pour Apple et les autres boites occidentales, l’accès à une main-d’œuvre bon marché et à des couts de fabrication qui ont permis de baisser le prix des machines)— cette ouverture aurait-elle été possible sans l’effondrement du communisme lui-même, sans l’effondrement de l’URSS et donc, parce que j’écris plus sur ses détails qu’à propos de l’Histoire elle-même, sans l’effondrement du mur de Berlin ? Donc, en tirant le raisonnement par les cheveux, sans (la surenchère épuisante de) la guerre froide ? (On pourrait aussi réfléchir au fait que l’effondrement du bloc de l’Est, la fin de la guerre froide, a libéré les esprits, les laissant disponibles pour se trouver d’autres centres d’intérêts… comme l’informatique personnelle et Internet).

Pour en revenir à la Chine : comment les iDevices auraient-ils pu s‘imposer de façon aussi rapide et massive (comment Apple aurait-elle pu faire autant de profit) si leur cout n’avait pas été tiré vers le bas grâce à un travail et à des composants électroniques bon marché ? Apple n’était-elle pas condamnée à rester une “petite” entreprise… tout simplement matériellement incapable de proposer un iPhone ou un iPad parce que de tels appareils n’auraient pas pu être produits de façon économique ?

La question est certainement idiote, mais cela ne me gêne pas. Cela me gêne d’autant moins que, idiote ou pas, je trouve ça très intéressant d’imaginer un lien entre ces allemands qui font s’effondrer un mur de béton à coups de masse, alors que Rostropovitch, assis sur une chaise, joue du Bach devant ce qui reste du mur, et le succès de Apple (et sa capacité à initier cette aire post-PC où nous, et pas seulement “nous les geeks” mais la société civile dans son ensemble, faisons nos premiers pas).

Bien sûr, Apple ne doit être prise que comme le fleuron de cet univers technologique, une des entreprises qui initie et qui innove. C’est toute une industrie qui suit, quelques pas (ou plus, souvent) en arrière. Et c’est tout un monde qui tourne autour de la technologie.

Peut-on  imaginer qu’une telle (r)évolution technologique se poursuivre indéfiniment ou, un peu comme ce mythe de la singularité, devons-nous envisager un seuil au-delà duquel l’innovation sera tout simplement impossible (pour nous) et inutile, où la technologie comme nous la concevons cessera d’avoir un sens ? Pour que se maintienne cette (r)évolution, faut-il espérer qu’il existe toujours une main d’œuvre et des législations bien moins favorables aux travailleurs (ou à l’écologie, etc.) ?

En une phrase : dans quel monde vivrions-nous, sans la Chine, si le mur n’était pas tombé en 1989 ?

Ca vous inspire quelque chose ?

Edit un peu plus tard : on peut poser la question autrement: si ce monde technologique dépend de la disponibilité de sociétés civiles non démocratiques (je sais, je caricature, mais c’est le cas depuis le début du billet)… jusqu’où les entreprises qui vivent de cette technologie iraient pour se garantir une telle ressource ? Jusqu’à nous encourager à douter des valeurs démocratiques, ici même ?

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