Le film, avec en vedette Bruce Willis et un tas de pixels.
Notez que le film aurait aussi bien pu s’appeler “Champignons des bois” ou “Dénoyauteur à olives” — si l’humanité avait trouvé un moyen d’envoyer bosser à sa place des dénoyauteurs à olives ou des champignon (ce serait mignon des cohortes de champignons sautillants dans les rues pour aller bosser, des champignons entrant chez l’esthéticienne pour se faire raviver la couleur des pois ou changer de chapeau) — parce que le côté “clones” n’est qu’un prétexte à un polar/thriller pas très intéressant : on tue par erreur le fils de Machin. A qui profite le crime ? Et que manigancent les méchants industriels et l’armée ?
La SF n’est là que pour faire exotique, et pour permettre à Bruce Willis (et à une bimbo en talons hauts) de faire des bons de plusieurs mètres sans être décoiffé.
C’est malheureusement très fréquent dans le cinéma soi-disant de SF, à de précieuses exceptions près. C’est dommage car l’idée (les clones qui vivent à notre place) est intéressante mais vidée de ses tripes, comme un poisson crevé couché sur son lit de glace à l’étal du poissonnier évoquerait les aventures de “20 000 lieues sous les mers”.
Le culte de l’image (de soi), qui nous concerne pourtant de près et qui est central dans le film (on achète un clone pour être mieux qu’au naturel. “La vie, en mieux” dit le slogan de la compagnie) est évacué ou plutôt noyé dans quelques plans sans intérêt de panneaux publicitaires multimédias (forcément, c’est le futur). Tout comme la question de la peur des autres, le sentiment d’insécurité,…
Et notre vie sociale ? Réduite à la portion congrue : les clones flirtent et baisent, se “tapent dessus” entre mecs, et se droguent (à l’électricité). Wow, quoi.
La place de l’homme dans un monde entièrement voué à la technologie et dominé par une seule société? Sa capacité à faire quelque chose de cette technologie, ou à en pâtir ? Bof.
La façon dont on peut vouloir résister à ce mode de vie ? A une exception, les résistants anti-clones semblent n’être qu’une bande de hippies crasseux et violents, guidés par un messie (carrément), qui survivent dans quelques taudis autour d’un parc, en cultivant des légumes.
Et le travail, alors ? Dans le film, tout le monde bosse. C’est même à ça que servent les clones, bosser à notre place. Déjà, c’est cool: le chômage semble avoir disparu (peut-être en même temps qu’ont disparus les trop pauvres pour se payer un robot ?). Mais qui peut me dire pourquoi on s’emmerderait à rester, 8h par jour, le cul vissé sur un siège (même ergonomique), à télécommander par la pensée un clone qui bosserait à notre place ? C’est ça le progrès: regarder bosser son clone ?
Pourquoi ne pas le faire bosser tout seul à notre place et nous libérer du travail pour de bon ? Ha ben non, le travail c’est un besoin naturel (comme d’aller au petit coin)… Manquerait plus que de donner aux gens l’idées qu’on pourrait se passer de travailler.
Mais il y a une bonne raison, et vachement flatteuse, qui fait qu’on doit rester relié à notre clone. C’est que, voyez-vous, les clones sont peut-être hyper performants et super beaux, mais ils sont aussi ultra-cons. Sans rire, ils sont plus cons qu’une armée de balais. Y a qu’à voir leur tronche de poupée de cire quand leur “propriétaire” s’est absenté pour faire une pause pipi. Morale de l’histoire ? L’humanité, c’est son cerveau qui la rend unique, pas son corps qui n’est qu’une marchandise disponible dans toutes les tailles et les couleurs, dans n’importe quelle boutique, même la plus minable. Ouais, son cerveau et son intelligence, c’est ça qui rend l’homme (et la femme, hein!) unique. Ca et aussi sa robe de chambre et ses chaussons (faut voir le film).
N’oublions pas la question qui aurait pû être la plus stimulante du film, celle de l’identité:
Dans un monde où on peut se choisir le corps que l’on veut, le sexe et l’âge qui nous chante… Qui suis-je ? Homme ou femme ? jeune ou vieux ? Type bien ou salaud innommable ? Chaste pucelle qui rêve au prince charmant ou obsédé qui court derrière sa quéquette ? Qui suis-je ? Moi, ou mon clone ? La question a-t-elle seulement encore un sens ?
La meilleure phrase du film c’est quand Willis s’adresse au clone féminin sexy d’un juriste: “Chérie, je ne sais même pas ce que tu es. Tu pourrais aussi bien être un vieux con assis dans son fauteuil, la bite à l’air”. Là, on a un aperçu de ce que le film aurait pu donner.
Vous me direz, oui mais t’es con David: c’est qu’un film d’action(s).
Je sais, mais même là c’est plat. Rien de surprenant, rien de spécialement bien fait ou d’entraînant. C’est pas un film chiant, non… c’est pas ça. C’est un film qu’on a l’impression d’avoir déjà vu cent fois et qui essayerait de nous convaincre du contraire en enfilant un costume de Halloween du futur (merde, j’ai réussi à le placer!): bouh !
Ben non. Pas bouh.
Clones, en fait, c’est un film qui porte trop bien son nom.
Au moins, il ne dure pas trop longtemps.

Le bon côté des choses, c’est que ma clé USB sera toujours utilisable dans le futur. C’est toujours ça d’économisé pour me payer mon clone.
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