Devoir de mémoire

« Devoir &#187 : exerçons notre mémoire pour ne pas oublier. Aujourd’hui est le jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.

Notez que dans dans mon cas, et pour les plus jeunes également, ce n’est pas exercer la mémoire qui compte car elle ne contient aucun souvenir qu’il faudrait raviver&nbsp— je n’ai pas connu et j’espère ne jamais connaître une telle horreur autrement que par la parole des survivants&nbsp— mais c’est apprendre qui importe. Apprendre des survivants. Ecouter leur témoignage, même incertain, même fragmentaire et, après l’avoir entendu, y réfléchir.

On pourrait me dire que c’est malvenu de jouer sur les mots, mais il y a une grande différence entre connaître l’horreur, surtout celle, absolue, d’un génocide systématique mécanique, et savoir qu’un tel massacre a eu lieu. Saisir l’horreur ce n’est pas regarder un calendrier. Enfin si, bien entendu, c’est se souvenir ! Mais c’est surtout réfléchir à ce qui s’est passé, et pas uniquement dans les camps d’extermination.

Ne me tapez pas sur la tête, pas tout de suite —  se souvenir du massacre de civils innocents, des juifs et aussi d’autres. Bien entendu, mais surtout réfléchir à ce qui s’est passé : essayer de comprendre comment ça s’est passé ! S’arrêter, stupéfait, devant l’absence de réaction ou le peu d’efforts pour sauver ces millions d’innocents — car ce sont bien tous des innocents qui ont étés massacrés.

Prendre le temps de s’arrêter (et c’est bien peu compatible avec le labourage de crâne médiatique) et réfléchir.

Plus qu’un devoir de mémoire sur l’Inhumanité des nazis (comment peut-on devenir cela), je pense qu’il est plus sage d’interroger les conditions qui ont rendu ce crime possible et alors, ensuite, de ne plus jamais oublier la lâcheté de beaucoup, leur indifférence.

Juif, ce mot devenu un arrêt de mort; cette étoile, une interdiction d'exister

La lâcheté probablement, mais surtout l’indifférence des populations qui regardaient leurs voisins se faire taguer d’une étoile et qui n’y voyait pas grand chose à dire. Indifférence de ces mêmes, plus tard, qui regardaient leurs voisins juifs se faire emmener et qui n’y voyaient toujours rien à dire. Indifférence de ceux qui faisaient circuler les ordres, de ceux qui les exécutaient, indifférence de ceux qui pilotaient les moyens de transport nécessaires à un tel déportement. Indifférence des politiciens qui politisaient, indifférence de tous ceux qui n’ont pas résisté. L’indifférence c’est cela qu’il ne faut pas oublier.

Cette indifférence qui, seule, permet au Monstre (ou aux monstres) de sévir, c’est l’égoïsme. Le quant-à-soi de l’individu replié sur lui-même et sur le (petit) confort de sa (petite) existence qui, pour préserver son bien-être ou ce qu’il imagine être tel, ferme les yeux ou ne tend pas une main secourable. Indifférence an-humaine (car elle prive l’humanité de toute réalité, de toute épaisseur, de toute hauteur, de toute grandeur) que l’on confrontera aux efforts quasi miraculeux des quelques « Justes » qui ont lutté.

Les juifs ne s’y sont pas trompés qui, en plus du souvenir des morts, honorent ces Justes : c’est eux qui doivent exercer notre mémoire, car le mal est une réalité et ce serait hypocrite, ou idiot imbécile, de prétendre le contraire; mais lutter contre, se dresser, refuser de s’y soumettre c’est cela seulement qui fait la différence, qui l’empêche de se transformer en absolu, et qui fait tout le mérite d’être humain.

J’en suis incapable de voir le visage, ou de mémoriser le nom des MILLIONS de victimes juives, sans compter les autres. Mais je peux me souvenir de cette phrase : « Celui qui sauve un être humain sauve l’univers tout entier ».

Aujourd’hui, jour de mémoire, souvenons-nous que bien peu nombreux étaient ceux qui ont lutté contre l’horreur.

Aujourd’hui, jour de mémoire s’il en est un, souvenons-nous que l’horreur ne se conjugue pas qu’au passé — pour honorer la mémoire des victimes d’alors.

Exerçons notre mémoire : ouvrons les yeux et ouvrons nos bras. Essayons d’être juste.

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