Il écrit à la main

Dans une interview de 2001, Stephen King explique que — suite à l’accident de voiture qui a failli le tuer, tant il souffrait physiquement en restant assis devant l’ordinateur — il a dû écrire son nouveau roman (Dreamcatcher) à la main, et à quel point il aimé retrouver cette écriture au corps à corps (il parle de se retrouver sur le terrain, comme l’infanterie) et apprécié la lenteur. Voyez à partir de 2’30.

it braught the act of writing a this very basic level where you actualy have to take something in your fist and make the letters on the page. So instead of flying over the story I was kind of forced to get down at the infantry…
(…)
It slows you down. It make you think about each word as you write it (…)

Il y parle aussi de la façon dont il (ré)écrit, et du fait qu’il ne change pratiquement jamais l’ordre de ce qu’il écrit :

That never happens to me. I mean in rewrite I might take something out but very rarely would I swap anything around. Because it’s a story: event A, event B, event C. It’s the way I work. That’s all.

Et si vous regardez de près, quand le journaliste feuillette le manuscrit, c’est sidérant d’y voir si peu de ratures.

Via The Writing Tools of 20 Famous Authors. Dans cette chouette liste d’auteurs, on croise aussi Neil Gaiman qui ne cache pas lui non plus le plaisir et l’efficacité de l’écriture à la plume.

Avant qu’un chevalier blanc, défenseur autoproclamé de l’ordinateur ou de la tablette, ne vienne nous expliquer que c’est nul parce qu’il n’y a pas de copier-coller ou de chercher-remplacer, ni de backups ou de synchronisation automatique du texte sur toutes nos machines — on rappellera que l’idée n’est pas de balancer l’ordinateur (ou la tablette) aux ordures pour vénérer la plume et le papier. Mais de ne pas se limiter à l’ordinateur, ou à la tablette. On se souviendra aussi qu’écrire est un processus long, avec de nombreuses réécritures qui peuvent se faire autrement qu’à la main.

King a été un des premiers auteurs à adopter l’ordinateur et le traitement de texte (si vous voulez avoir une idée de l’intensité de sa relation à Word et à l’ordinateur, je vous suggère de lire Sac d’os), et il n’y a aucun doute que Gaiman sache utiliser son ordinateur.

En ce qui me concerne, si je devais expliquer ce qui devrait pourtant aller de soi (si parler de nos choix d’outils ne devenait pas, pour certains, une guerre de religion) : c’est juste accepter qu’on n’écrit pas de la même manière à la main qu’au clavier, avec un stylo ou un crayon, etc. (il y a vingt auteurs qui parlent de leurs outils d’écriture, dans l’article cité).

Ce n’est ni mieux, ni moins bien. C’est différent — et ça produit un plus ou moins grand élan d’enthousiasme de la part de l’auteur, devant le résultat final. Et ce n’est pas parce qu’on possède un clavier qu’on doit se priver de cette différence et de cet enthousiasme. Et de ce plaisir.

J’adore remplir le réservoir de mes stylos, et choisir l’encre que je vais utiliser, choisir le carnet pour son format, la façon dont il se tient bien ouvert ou même pour le touché de sa couverture — comme d’autres, et moi aussi, aiment choisir telle police de caractères ou tel interligne, dans leur éditeur préféré, parmi les dizaines qu’ils possèdent, ou encore comme ils choisissent de passer par tel outil de syncro plutôt qu’un autre.

L’écriture manuscrite, j’en ai déjà parlé, est peut-être une forme ancienne de technologie mais elle n’est pas obsolète pour autant. Chez moi, elle cohabite sans souci avec des technologies plus récentes, qui ont d’autres qualités mais ne m’offrent pas la même souplesse, le même confort ou le même plaisir.

His Majesty at work ;-)

À propos d’écrire à la main, on peut vous suggérer de passionnantes lectures bourrées de romances et d’aventures (ou d’informations utiles), qui vous ferons rêver/trembler/rire/pleurer/réfléchir (barrez les mentions inutiles, s’il y en a) :