Appareil photo, modèle 2012. Selon Apple.
Si Apple arrive à coller un véritable écran tactile, une boussole, un GPS, une puce 3G, une puce Bluetooth, une puce WiFi avec, en plus d’un capteur photo, un véritable système d’exploitation sur lequel on peut installer des applications de prise de vue et de retouche, dans un téléphone qui mesure 123.8 mm de long, 58.6 mm de large et 7.6 mm d’épaisseur, pour un poids de 112 grammes.
Si Apple peut faire ça et, quoi qu’en disent les pisse-froid, transformer la façon dont onje fais de la photo… quelqu’un peut m’expliquer ce qu’attendent les fabricants de “vrais” appareils photos pour faire la même chose avec leurs gros boitiers et, ainsi, sortir la photo des années 70 dans lesquelles elle semble tant se complaire ?
Appareil photo selon Olympus, modèle Olympus OM-1, 1972 (source)
Chaque fois que j’envisage d’acheter un appareil numérique “normal” — ou “sérieux” ou “vrai”, rayez les mentions inutiles — je me retrouve devant cette question : pourquoi j’ai l’impression de faire un bon dans le temps ?
Appareil photo selon Olympus, 40 ans plus tard : Olympus OM-D, 2012 (source)
Je ne compare évidemment pas les qualités photographiques et les performances d’un iPhone et de cet appareil (ou de tous les autres reflex et compacts). Mais cette volonté de ressembler “à avant” n’est pas anodine — et pas spécifique à Olympus. Je me demande surtout de quelle façon les fabricants conçoivent la photo, comment ils imaginent les nouveaux usages — s’ils y pensent seulement ?
Combien d’acheteurs de cet Olympus ou de reflex ou de télémétriques ou même de compacts experts n’impriment jamais une image, ou seulement en petit format ? Combien se contentent de les partager par email ou sur Instagram ? De les regarder sur l’écran de leur ordinateur ?
Pourquoi ces appareils semblent toujours proclamer : hors du papier, point de salut. Où est le Web, dans ces boitiers ? Ou, pour formuler la question autrement : sommes-nous obligés d’en rester au format reflex (ou au télémétrique) pour bénéficier de matériel pro ou expert ?
Bien plus problématique que la forme des appareils : la photo “sérieuse” doit-elle se limiter à prendre une photo avec un boitier, pour ensuite la retoucher sur un ordinateur puis, pour les plus avant-gardistes parmi les photographes, la partager en ligne ?
Où est le logiciel dans ces appareils ? La photo numérique est logicielle. Elle l’a toujours été. L’image est logicielle, et cela même si les fabricants semblent avoir cherché à minimiser le rôle du logiciel à ce nébuleux “firmware” qui s’occupe de faire fonctionner l’appareil et d’enregistrer l’image numérique sur la carte, et dont la seule chose qu’on sait sans craindre de se tromper c’est qu’il vaut mieux utiliser la version la plus récente, et donc faire les mises à jour — ce rituel ésotérique et intimidant, à comparer avec les mises à jour selon Apple — pour avoir les meilleures images possible, et des performances maximales.
Apple — un vendeur de matériel qui a toujours mis en avant la qualité du logiciel — change ça : si l’iPhone se révèle un si chouette appareil photo pour monsieur tout le monde, c’est évidemment grâce aux applications qui tournent dessus.
Des applications de prise de vue et de retouche, qui ont un nom et des spécificités. Autant celles fournies par Apple, qui sont excellentes je ne le répéterai jamais assez, que toutes celles disponibles depuis le Store et qui changent la façon dont on fait des clichés : je n’utilise pas Snapseed ou Dramatic Black & White de la même façon ni pour créer les mêmes N&B, je ne photographie pas de la même façon avec l’application Appareil photo de Apple ou avec ProCamera.
Des applications de partage et de communication, aussi.
J’aimerais beaucoup m’offrir cet Olympus OM-D, c’est un superbe boitier sur lequel on peut monter de superbes cailloux. Mais chaque fois que je m’imagine l’utiliser, j’ai vraiment l’impression de faire un bon dans le temps et de rater quelque chose. Pas tant à cause de son look, que j’ai toujours aimé, que par tout ce qui lui manque, aujourd’hui :
- Localisation. Si je veux localiser mes photos sur une carte, je dois les placer moi-même, à la main ? Ou alors je dois m’encombrer d’un GPS externe ?
- Transfert. C’est pas con le Flux de photos de Apple (ou Dropbox) : je n’ai plus besoin de copier, à la main, les photos de l’appareil vers le Mac. Ça se fait tout seul.
- Social. Riez si vous voulez. Mais pouvoir poster mes photos directement depuis l’appareil me semble aller de soi. Même si cela veut dire travailler sur un petit écran — je ne parle de toute façon pas de préparer un négatif pour faire un tirage en taille poster, juste de tweeter une image ou de la poster sur ma galerie Flickr, au moment où je la prends et pas des heures ou des jours plus tard.
- Forcément, puisque je la publie : la possibilité de faire un peu de retouche sans m’astreindre à l’ordinateur.
- Sauvegarde. La copie des photos sur un stockage en ligne tel que iCloud ou Dropbox, ou même Flickr est une sacrée bouée : si on me vole mon iPhone ou si je le casse, je ne perds que le matériel, pas mes images (ni aucune autre donnée).
Bref, pas la peine de me le rappeler : je ne comprends rien à rien, encore moins à ce qu’est la photo. Tant pis. Mais j’aimerais quand même que Olympus, ou Canon, ou Nikon (que j’utilise depuis les années 80) se sortent le doigt du c…amera bag et inventent un appareil photo qui ne soit peut-être pas un téléphone, mais qui soit capable de faire ce que fait ce tout petit téléphone que certains s’obstinent à ne pas vouloir considérer comme un appareil photo.

Quand Henri Cartier-Bresson a adopté le petit Leica télémétrique et son tout petit film négatif de 35mm, il a innové — il ne s’est pas dit que c’était mieux de faire comme tout le monde a toujours fait.
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