Tor, un peu d’anonymat dans un monde de surveillance

La EFF a lancé une campagne (en) pour augmenter le nombre de relais Tor.

Pour faire bref (fr), Tor est un système qui permet de renforcer l’anonymat des utilisateurs en routant le trafic Internet de façon cryptée à travers toute une série de relais aléatoires éparpillés sur la planète (une sorte de proxy, mais pas seulement).

L’idée est similaire au parcours d’une route sinueuse, difficile à suivre, vous permettant d’échapper à quelqu’un qui vous suivrait — tout en effaçant vos traces au fur et à mesure. Au lieu de prendre une route directe de la source à la destination, les paquets de données du réseau Tor choisissent un chemin aléatoire passant par divers relais qui couvrent vos pas de façon à ce qu’aucun observateur à aucun point unique ne puisse dire d’où les données proviennent, ou où elles vont.

Tor on

L’icône de Tor résume bien le principe : plus un oignon est épais, plus il a de “peaux” à peler, plus c’est long de le mettre à nu. C’est la même chose ici : plus il y a de relais, plus il est difficile de retrouver l’adresse originelle d’un utilisateur qui veut afficher telle page Web ou tchater ou etc. Chaque relais ne connaissant jamais que le relais qui l’a précédé (plus il y a de relais, meilleure est la confidentialité, donc) et changeant en permanence.

Tor permet ainsi à des dissidents ou à des journalistes de se connecter sans risque dans des dictatures comme la Chine ou l’Iran. Il permet aussi préserver son anonymat en France, et de se protéger contre les lois scélérates que sont Hadopi et ses petites copines (il y a d’autres méthodes). En fait, Tor permet à tout le monde de surfer sans se faire suivre à la trace, de préserver un peu d’intimité.

Il y a deux façons d’utiliser Tor :

  • On s’y connecte car on ne veut pas laisser de trace, on est un simple utilisateur. Pour surfer, c’est très facile (en) . Cela demandera plus de configurations pour d’autres usages d’Internet.
  • Comme un relais. C’est-à-dire comme quelqu’un qui l’utilise tout en contribuant lui-même à l’efficacité du réseau en permettant à d’autres de passer par son accès Internet.

Les deux sont très simples à mettre en oeuvre. Mais, avant de vous emballer et d’ouvrir un relais pour contribuer à cet outil assezcarrément génial, prenez le temps de considérer les aspects légaux (en) et techniques (en) car l’anonymat créé par Tor n’est pas totalement sans risque et il faut bien comprendre une chose : protéger l’anonymat et la liberté d’expression, c’est aussi protéger l’anonymat et la liberté d’expression de criminels potentiels. C’est inévitable. Sinon, c’est que l’outil n’est pas efficace.

Mais alors, il faut interdire Tor, me direz-vous.

Vous le pensez vraiment ? On peut aussi bien envoyer des mots d’amour que les plans d’une bombe (ou des photos pornographiques) avec un simple timbre collé sur une enveloppe, pourtant la loi protège la confidentialité du courrier postal. Et personne ne peut entrer chez vous pour fouiller dans vos affaires sans un mandat. Pourquoi serait-ce différent pour la facette électronique de nos activités ?

Le problème n’est pas l’outil (l’enveloppe timbrée ou un paquet IP circulant sur le Web), mais celui qui l’utilise. Et la solution à ce problème n’est certainement pas d’abandonner tous nos droits pour (de toute façon) ne même pas réussir à arrêter les criminels — les criminels, c’est l’affaire de la police et des juges. Les droits fondamentaux, dont celui à la vie privée et à l’anonymat, sont l’affaire des citoyens, c’est-à-dire de chacun d’entre nous.

Ce n’est pas seule chose à prendre en compte avant d’envisager de créer un relais Tor :

Si le trafic est chiffré et anonymisé dans le réseau Tor, il faut bien à un moment où un autre que cette information sorte du réseau Tor pour atteindre le site Web (ou quoi que ce soit) que l’utilisateur voulait atteindre pour commencer. Et là, adieu le chiffrement et l’anonymat. Un tel relais, ouvert vers l’extérieur, est appelé un relais sortant. Ce relais peut être identifié. Et il peut éveiller la curiosité des autorités si un trafic illégal est repéré.

D’après ce que je sais, on n’a jamais vu personne être arrêté pour avoir tenu un relais mais, pour ne rien vous cacher, j’ai fermé depuis peu le relais que j’ouvrais ponctuellement par… peur de la dérive fascisante–j’assume pleinement le point Godwin–de la législation française concernant Internet et le contrôle des données qui circulent. La situation est devenue critique, et je ne conseillerais à personne de devenir un relai sortant en France.

Cela dit, il existe d’autres solutions, pour soutenir Tor :

  • Créer un relais qui ne soit pas sortant, pour enrichir le réseau.
  • En parler autour de soi, pour le faire connaître.
  • Sans oublier l’acte le plus efficace de tous : voter pour des représentant(e)s qui ne soient pas des pantins aux mains de quelques groupes économiques, ou qui comprennent quelque chose (fr, hélas) aux technologies sur lesquelles ils/elles prétendent légiférer…