J’ai deux machines à écrire

J’ai reçu ma nouvelle machine à écrire, ça men fait deux avec le MacBook Air :

Typewriters

C’est une Olivetti Lettera 35, un modèle plus récent que la Lettera 32 sur laquelle j’aurais aimé mettre la main, mais vu ce qu’elle m’a coûté (2 €), je ne me suis pas trop posé de question. Elle est un peu poussiéreuse — je la nettoierai à fond quand j’aurai trouvé plus d’informations à son sujet — mais elle est en parfait état de marche. Après toutes ces années de repos, et une ou deux minutes à essayer de me souvenir comment fonctionnait une machine à écrire, comment on fixait les marges et l’interligne, elle défonçait allègrement le papier de ses caractères en acier, dans un vacarme d’une autre époque.

Un bruit qui a terrifié le chat et qui a fait dire à ma moitié, qui affichait un sourire crispé, que je ferai mieux à l’avenir de ne l’utiliser qu’en son absence. Et peut-être pas après 19h ou le WE, pour ne pas agacer les voisins — qui dira l’importance de l’ordinateur et, de son silence, dans la paix des ménages et les bonnes relations de voisinage ?

Bref. C’est vieux, c’est bruyant, c’est solide et ça fait ce qu’on lui demande. Et cela sans la moindre mise à jour depuis 30 ou 40 ans (plus ?). Même son ruban rouge et noir, usé, fonctionne encore.

Je dois bien reconnaître qu’utiliser un clavier mécanique me manquait, c’est tellement agréable de sentir la touche s’enfoncer en résistant juste ce qu’il faut pour qu’on doive y mettre de la force pour la mener au bout de sa course. C’est physique, quoi. Chaque lettre est frappée. Oui, je suis une brute. Un ours.

Ça me manquait aussi peut-être parce que cette mécanique, avec toute sa ferraille et ses ressorts, impose de taper plus lentement que sur un clavier, sinon les tiges de la corbeille (j’ai trouvé ça dans la Wikipédia, croyez pas que je savais comment s’appelaient les bidules qui frappent la feuille de papier) s’emmêlent les unes dans les autres et bloquent la machine. Il faut alors les dépatouiller avec les doigts. Ce qui est emmerdant, et salissant. Du coup, on tape plus lentement.

Il y a aussi la difficulté à corriger et à revenir en arrière — ce qui est écrit est écrit, on ne peut qu’avancer, ou piétiner — qui encourage à réfléchir avant d’écrire et marteler cette pauvre feuille de papier. Du coup, très rapidement, je me suis (re)découvert un autre souffle, un autre rythme qui n’est pas nécessairement plus lent, mais plus long ; et des idées qui s’élaborent en phrases, voire en paragraphes entiers, plutôt qu’en mots lâchés les uns à la suite des autres. Un peu comme en écrivant à la main. Mais sur un autre rythme encore.

Peut-être aussi que cela me manquait par nostalgie ? Je ne le crois pas : je ne suis pas exactement le genre de gars qui est allergique aux nouvelles technologies. Mais qui sait ? Après tout, du haut de mes quarante ans, je tapais à la machine bien avant d’avoir utilisé un ordinateur.

J’ai fait de la place sur le bureau pour la machine. En fait, j’ai tout viré en pile sur les bords et j’écris ce billet le clavier sans fil posé sur les genoux. La Lettera est une machine portative (elle est fournie avec une horrible valisette dont la poignée découpe la paume des mains) mais elle doit bien peser 4 kilos ou plus, et elle semble carrément énorme comparée à ce chef d’oeuvre de légèreté et de compacité qu’est le MacBook Air 11′, la machine à écrire (et à faire bien d’autres choses) du XXIe siècle.

Si

N’empêche, je prends mon pied à écrire là-dessus. Je ne me suis arrêté qu’à cause du bruit. Et aussi parce que j’avais envie de partager avec vous ce petit moment d’un plaisir pas banal.

Ce n’est qu’un caprice ? Probablement. Peu importe — j’en ai eu et j’en aurai d’autres, dont certains étaient bien plus coûteux et inutiles, mais peut-être pas aussi bruyants — on verra ça demain. Ou dans un an.