[Avertissement: en le relisant, je réalise que le début de mon billet pourraît être très mal compris (c’est de ma faute) : loin de moi l’idée de vouloir coller à un gars comme Tristan Nitot une étiquette aussi stupide, et qui lui irait si mal, que celle de “chasseur de sorcières”. Ce qui m’a interpellé, dans son billet et d’autres sur le Web, c’est cette façon d’isoler l’iPad dans l’univers technologique qui nous entoure, de se fixer dessus comme on se fixait avant ça sur Word ou Microsoft.]
(…)ce que je n’aime pas chez l’iPad d’Apple, c’est la direction dans laquelle nous nous dirigeons en tant que société, où l’utilisateur est réduit à consommer, où la bidouille et la créativité sont interdites, où un gardien décide de ce qui est bon pour vous
iPad : au-delà de l’esthétique
Je n’ai jamais aimé les chasses aux sorcières. Sans doute parce que mes choix personnels et ma nature sont tels que je me suis souvent trouvé du côté de ceux que certains auraient aimé brûler.
Sur mon iPad, j’écris des fichiers texte.
Sur mon iPad, je regarde des photos en Jpeg.
Sur mon iPad, je navigue sur le Web.
Sur mon iPad, je discute, j’envoie et je reçois des emails.
Sur mon ipad, je fais 80% de ce que je faisais sur un PC (ou un Mac).
Pourtant, je serai enfermé ? En quoi ?
Mes fichiers textes, mes pages Web et mes photos sont lisibles sur n’importe quel ordinateur. J’écris et je lis les écris d’autres auteurs sur l’iPad, comme sur un PC.
Est-ce parce que je ne peux pas installer Linux dessus ? Je n’ai jamais installé Linux dans un livre imprimé, ni dans mon bloc-notes ou mon crayon.
Mon bloc-notes et mon crayon, justement. Ils sont là, à côté de mon Mac et je réalise une chose étonnante : qu’y a-t-il de plus fermé que ces objets-là ? Je ne peux pas ouvrir mon crayon sans le casser, je ne peux pas changer sa mine, ni sa couleur, je ne peux pas l’upgrader si je veux écrire plus. Et le bloc-notes ? Je ne peux que consommer une feuille à la fois, puis en racheter quand il est plein (qui a le savoir pour en fabriquer ? Pas moi).
Pourtant, en suivant la logique du raisonnement, on devrait dire que le crayon et le bloc-notes, eux aussi “réduisent l’utilisateur à consommer, où la bidouille et la créativité sont interdites, où un gardien décide de ce qui est bon pour vous” ? Franchement, je ne crois pas. Pas plus que pour l’iPad.
-Oui, mais tu peux écrire ce que tu veux !
-Sur l’iPad aussi.
-Oui, mais Apple est la seule boutique autorisée. C’est un monopole, et tout ça.
-C’est vrai. Et ce sera peut-être un problème. Mais je n’ai aucun doute que les photocopieuses se sont mises en route et qu’on verra débarquer dans l’année un lot de clones, plus ou moins libres, qui offriront des alternatives.
Je pense vraiment qu’on cherche un bouc émissaire dans cet iPad. Aujourd’hui c’est Apple, hier c’était Microsoft. Demain, ce sera Google ?
Le problème de l’iPad, ce n’est pas le problème de l’iPad, et c’est tout autre chose que l’enfermement du “pauvre consommateur” dans le jardin clos de Apple (ou de Microsoft, ou de Google ou de…).
Le problème, c’est de se voir comme un consommateur avant tout, avant d’être un citoyen ou d’être un créateur. C’est de se voir comme un “porte-marque” avant d’être quelqu’un — qu’elles soient propriétaires ou libres n’y change rien. Je ne suis pas mon Mac, je ne suis pas mon iPad. Pas plus que je ne suis mon PC sous Linux ou mon navigateur Web. Pas plus que je ne suis mon Jean, ni une paire de chaussures ou ma montre, ni cette marque de thé que j’apprécie tant.
Apple ne fait qu’exploiter mieux que les autres un filon apparemment inépuisable : notre frénétique besoin de nouveautés, notre désir maladif de ressembler, de paraître, notre notre envie jamais rassasiée de déléguer tout et plus encore à la technologie : nos dialogues, l’instant présent, notre mémoire, nos projets, nos amitiés même.
C’est ça qu’il faut critiquer. Pas l’iPad.
C’est la technologie dans son ensemble — et pas seulement celle de Apple ou de Microsoft, pas seulement la technologie des autres — qu’il faut interroger, sa place, son rôle et le pouvoir qu’on lui donne. Et je ne parle pas que d’outils informatiques.
C’est chacun de nous qui doit s’interroger et questionner ses choix. Parce que, Tristan, surfer sans réfléchir, que ce soit sur Safari Mobile ou sur Firefox, ça reste surfer sans réfléchir.

Aucun bûcher n’a jamais brûlé de sorcière.
Pingback: Les tweets qui mentionnent L’iPad, au delà de la chasse aux sorcières | davidbosman.fr -- Topsy.com
Pingback: les iBidules de Apple ? De vulgaires machines à consommer, qu’on vous dit ! | davidbosman.fr
Pingback: À propos du nouveau service d’email de Facebook | davidbosman.fr
Pingback: iPhone 4CF | davidbosman.fr
Pingback: Ce que l’ordinateur aurait toujours dû être | davidbosman.fr
Pingback: Une croisade juste, ça n’existe pas | davidbosman.fr
Pingback: Apple, c’est le mal | davidbosman.fr
Pingback: Hadopi, le Monde t’aime ! | davidbosman.fr
Pingback: Quand la technologie s’efface | davidbosman.fr
Pingback: Prendre du recul (ou juste apprendre à lire ?) | davidbosman.fr
Pingback: Semer le doute ? | davidbosman.fr