Il ya quelques années, le carré blanc était synonyme d’image érotique ou pornographique, une image a ne pas mettre sous tous les yeux. Ce n’est évidemment pas le cas de cette image, alors pourquoi ? Pour respecter le droit à l’image de ces deux charmantes dames — et des deux petits chiens.
En fait, pour vraiment respecter la nébuleuse du droit à l’image, des petits carrés ne suffisent pas. Je devrais vous proposer quelque chose comme ceci :
On a pas le droit de publier, sans autorisation écrite, l’image d’une personne ou de ses biens. Ca vaut pour n’importe quoi qui pourrait être “reconnu”.
Bien sûr, c’est une bonne chose de respecter la vie privée (en rue ?) des personnes ! Mais la méthode choisie pour le faire revient à vouloir tuer un moustique en bétonnant tous les marais où il peut se reproduire. Bref, je n’espère convaincre personne que, même s’il y a de bonnes raisons de protéger le “droit à l’image”, les moyens mis en oeuvre sont inapropriés, disproportionnés et nuisibles (si ça vous intéresse, vous trouverez dans les archives un ou deux billets où je parle de certaines abérations, cherchez “droit” ou “droit à l’image”).
J’ai juste deux remarques à faire à propos de la “censure” du droit à l’image:
Le carré blanc que j’ai utilisé sur la première photo, qui est souvent utilisé pour masquer un visage dont on pas l’autorisation de publication, était il y a quelques années l’avertissement d’un contenu pornographique. Utilisé pour masquer un visage, c’était aussi le signe qu’on montrait quelque chose de dégradant pour la personne photographiée. Vous êtes un acteur porno et votre vie est un film de cul ? Vous avez honte de vous-même ? Moi non 😉
La pornographie, c’est un business qui traite le corps comme une marchandise, un bien de consommation (agiter vigoureusement pendant l’emploi). Je ne peux pas m’empêcher de penser que la censure-qui-ne-dit-pas-son-nom du “droit à l’image” n’est que la généralisation de cette marchandisation du corps à chacun d’entre nous, à chaque instant de notre existence (à la différence des acteurs porno qui, eux, ne se résignent à être traités en objets que le temps du film!).
Dans le même temps où nous cherchons à préserver notre image, notre précieuse petite individualité, d’une exploitation quelconque (syndrome du paparazzi voleur d’images intimes, ou peur qu’un ‘vrai’ photographe puisse faire fortune en vendant un joli cliché de notre petite tronche ou de notre pot de géranium); pendant ce temps, disais-je, la plupart d’entre nous payons cher pour la recouvrir, notre petite personne, de vêtements dont la qualité première n’est plus de vêtir et de protéger le corps, mais d’arborer telle ou telle marque, ou de se référer à telle ou telle “tendance”: d’être eux-même porteur d’une image…
Sommes-nous autre chose que des hommes ou des femmes sandwiches, et de bien bêtes en plus : au lieu d’être payés pour faire la pub des marques, nous les payons.
Notre peur de la photo, une peur panique ou colérique, très souvent, elle me fait penser à ce que racontent les explorateurs qui ont photographiés certaines tribus “primitives” : leur peur d’être photographié, la peur que la photo vole leur âme en capturant leur image. Nous ne sommes pas primitifs, c’est vrai : la différence c’est, peut-être, que lorsqu’on nous photographie nous réalisons qu’on a plus d’âme à se faire voler, nous l’avons déjà vendue. Image qui bouge.
C’est rien, juste un coup de blues. A part ça, il paraît qu’on va avoir le hyper-mega-haut-débit à Paris, chouette.