Les forces spéciales (GIGN ?) ont pris d’assaut, hier, le Pascal-Paoli, un bateau “pris en otage” (le bateau, sans aucun passager dedans) par des marins grévistes de la SNCM.
Si vous ne suivez pas l’actualité française, la société maritime publique SNCM est à deux doigt d’être bradée à un repreneur privé ou, dit-on, de déposer le bilan.
Je ne vais pas parler des tenants et des aboutissants de cette grève. Par contre, j’avoue avoir un peu de mal à comprendre qu’on envoie des militaires contre des grévistes, même s’ils font des choses illégales. Dans cette histoire, le bateau était « l’otage », sans passagers à libérer donc, et les « terroristes » des marins et syndicalistes non armés.
Ca m’amène à me demander pourquoi. Pourquoi un geste aussi dramatique (et lamentable) contre ceux qui ne sont que des salariés très inquiets, trop énervés et peut-être pas assez entendus ? Pourquoi prendre d’assaut ce bateau vide plutôt que d’attendre tranquillement qu’il rentre dans un port avec son équipage de « pirates » fatigués ?
Je ne sais pas s’il faut parler de coïncidence, mais cette intervention très énergique contre les grévistes se déroule en même temps que le gouvernement multiplie les discours pour revaloriser l’image du travail et du travailleur face à celle de « l’assisté » qui vit(*) aux crochets de la solidarité nationale. C’est aussi dans cette période qu’ils parlent de durcir les lois contre les chômeurs, de les culpabiliser — comme s’il s’agissait de criminels.
Tout cela semble tracer une silhouette pas très avenante. Cette façon de parler du travail et de (mal) traiter ceux qui n’en ont plus, ou qui refusent de s’y plier dans n’importe quelle condition, donne vraiment l’impression d’avoir affaire à un nouveau dogme. De moyen de subsistance (gagner sa vie), le travail devient un idéal, je ne vais dire un « dieu » mais quelque chose de sacré ou tout comme.
Trouver un travail est le Graal de notre société. C’est quelque chose qu’il faut aimer de tout son cur (et son corps), quelque chose qu’il devient sacrilège de mettre en péril, par exemple en faisant grève. On sent aussi cela dans les changements et les crises qui affectent l’éducation des enfants : on s’éloigne à pas de géant de son objectif euh humaniste (éclairer les esprits, les élever, les « conduire hors de » l’état d’ignorance, les rende le plus autonome possible ) pour en faire une simple formation qui vise à créer des personnels qualifiés pour des besoins plus ou moins bien estimés du marché, et qui soient rapidement productifs. Bof.
De ce point de vue, probablement aussi con que je suis ignorant de ces questions, assaillir les grévistes excessifs du Pascal-Poali reviendrait à punir des incroyants un peu trop véhéments, les plus agaçants pour les autorités du dogme dominant. Le pire c’est que ces grévistes, quatre d’entre-eux, sont menacés d’une peine de 20 de prison.
Alors la question qu’on devrait se poser c’est qui seront les prochains hérétiques dans cette chasse à la sorcière ?
Evidemment, là où ça devient cocasse, c’est que cet idéal du travail n’est pas spirituel pour un sous. Au contraire il est totalement matériel et incarné : il a une certaine valeur économique (que l’on essayera de maximiser) qui profite à son propriétaire, qui n’est pas le salarié —car c’est tout particulièrement de ce travail là qu’il est question —, lui-même n’étant qu’un nombre perdu dans un océan de chiffres. Anonyme et interchangeable : les chiffres du chômage, ce n’est personne ça. Par contre les flux monétaires (+ ou -) générés par ce travail, appartiennent à des noms plus ou moins connus.
Enfin bon, c’était juste une impression comme ça, en écoutant RFI ce matin.
(*) Faudrait quand même qu’on leur demande de goûter à cette vie sans ressources, avant de les laisser jeter la pierre aux chômeurs.