La brute et le poème

La difficulté avec la poésie — ma difficulté — c’est d’en saisir le rythme.

On peut certe lire un poème comme on lit n’importe quel texte, en compter les pieds et apprécier le choix des mots, connaître le contexte de son écriture et les références plus ou mystérieuses auxquelles le poète fait allusion, mais on rate généralement l’essentiel, on s’y heurte comme dans un mur. Avec une telle lecture, tout ce que je peux espérer c’est un certain étourdissement animal : être assommé par la violence du choc contre ce mur, justement. Pas cette fatigue qui vient après l’effort d’une escalade, cet éblouissement, ce quelque chose qui touche l’esprit et le coeur. Couleur et musique.

Il y a tant de poèmes qui m’échappent de la sorte. Un jour pourtant, on entend quelqu’un lire tel poème qui nous était tombé des mains dans un baillement. Et c’est lumineux !

Que diras-tu ce soir, pauvre ame solitaire

Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,

A la très belle, à la très bonne, à la très chère,

Dont le regard divin t’a soudain refleuri ?

(Baudelaire, FdM, XLII)

On devine la couleur et le rythme qui se mêlent. Incrédule, on se saisit alors du recueil dont on tourne les pages fébrilement. Musique et couleur, à chaque page !

Merci Alice.

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