Snow Crash

Quel est le rapport entre la Mafia, un livreur de pizza hacker et champion de katana, un Internet muté en un Metaverse, monde virtuel à part entière, une adolescente skateboardeuse et l’antique société sumérienne ?

Vous n’avez pas une idée ? Vraiment ?

Sauver le monde, bien entendu 😉

English coverSnow Crash (le samouraï virtuel, en version française ?!?) raconte avec beaucoup d’humour les aventures de Hiro Protagonist, un livreur de pizza — aka The Deliverator — pour le compte de la Mafia, un hacker et le plus grand sabreur au monde et aussi, accessoirement, le manager d’un groupe de rock ; et de YT, une jeune fille de 15 ans livreuse (elle aussi) de plis urgents pour le compte de la société RadiKS et plutôt dégourdie.

Lui dans sa voiture ou sur sa moto inimaginable, elle sur sa planche high tech, ne vont cesser de se croiser durant les 400 et quelques pages de ce roman. A la poursuite de Raven, assassin sans pitié et rancunier, ou à la recherche d’informations sur une nouvelle drogue ravageuse, le Snow Crash (littéralement : crash neigeux, comme l’écran de télé qui n’émet plus rien que de la neige).

Avez-vous déjà fait du skateboard sur une autoroute, en vous harponnant à une voiture ou même à un hélicoptère ? Que ressentiriez-vous à vous battre au sabre avec un inconnu qui vous cherche noise dans le monde virtuel et à le couper en deux ? Et dans le monde réel ? Que diriez-vous de discuter mythologie sumérienne avec un programme informatique ayant l’apparence d’un bibliothécaire ? De participer à une véritable guerre civile et de prendre un navire à l’abordage ?

Tout cela pour sauver le monde.

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Quel monde ? Celui d’un futur pas trop éloigné où le réel et le virtuel Couverture édition françaisecohabitent, où les Etat-Unis auraient fait faillite — et pas seulement une faillite économique — et auraient cédés le pas à des franchises commerciales, véritables domaines féodaux vivant en plus ou moins bon voisinage. Adieu Etats et villes ! Vous entrez dans la concession de Mr Lee Greater Hong Kong ou dans la franchise numéro 45 238 de la Mafia. L’ensemble de ces domaines s’établissant le long des routes, véritables artères, également franchisées et saturées de panneaux publicitaires plus démesurés les uns que les autres.

Un monde où ce qui reste des Etats-Unis, fusion improbable de bureaucrates, postiers et agents du FBI, semble se soucier uniquement de trouver le moyen de faire des économies dans l’intérêt du service — vous saurez tout de leur stratégie pour réaliser des économies sur les rouleaux de papier toilette et sur l’importance de ne pas utiliser les ascenseurs pour promouvoir votre carrière.

Un monde où Oncle Enzo, le big boss de la Mafia, se déplace en personne pour présenter ses excuse à chaque fois qu’un client n’a pas reçu sa pizza dans les 30 minutes suivant sa commande.

Lisez le premier chapitre pour tout savoir du boulot de Hiro.

Pour la Mafia, livrer une pizza c’est une mission, la livrer dans les 30 minutes un devoir sacré :

“The Deliverator belong to an elite order”

et un peu plus loin

“Just a single principle : The Deliverator stands tall, your pie in thirty minutes or you can have it free, shoot the driver, take his car, file a class-action suit.”


Un monde où le magnat des communications, L. Bob Rife, a établi son QG sur le porte avion nucléaire Entreprise, racheté à ce qui restait de la Navy, qu’il laisse dériver au gré des courants entre l’Asie et les côtes Américaines, coeur d’un immense entremêlement de bateaux et de radeaux surchargés d’émigrés clandestins.

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Sauver le monde ? De quoi ? D’une drogue dévastatrice et d’un virus vieux de plusieurs milliers d’années, de la destruction totale de l’humanité – ou du moins de ces Etat-Unis privatisés.

A défaut de rendre réaliste un tel amalgame — qui le souhaiterait ? — Neal Stephenson a réussi le tour de force de le rendre palpitant et amusant à la fois. Et, cerise sur le gâteau, il ne s’est montré avare ni d’imagination ni d’idées géniales — je veux cette planche à roulette et cette moto intelligentes, je veux prendre un verre avec mes amis au Black Sun, je veux jouer au freesbee avec un de ces chiens de garde supersonique, etc. 😉


C’est un roman foisonnant de personnages et d’idées. C’est parfois un peu long, mais jamais mortel et jamais plat. L’humour ou l’ironie sont omniprésents : lisez le premier chapitre pour tout savoir du métier de livreur de pizza.

L’intrigue est à peine plus qu’un prétexte. Mais peu importe : ce n’est certainement pas un roman à suspens. Neal Stephenson nous offre une excursion à donf dans un futur pas tellement décallé et il y déploie en souriant ses idées et ses critiques autour de personnages atachants.

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p>Paru en 1992 (d’accord, je ne colle pas à l’actualité…), Snow Crash est disponible en anglais en version :

La traduction française (que je n’ai pas lue) est publiée par Le Livre de Poche sous le titre Le samouraï virtuel, elle est disponible chez Amazon.fr.
Je n’en connais hélas pas de version électronique.

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